Témoignage du 28 juin 2021
"Nous nous sommes mariés en octobre 2019. La cérémonie était magnifique, l’Eglise était rayonnante car un soleil chaud et inattendu inondait les vitraux colorés. Tous les gens que nous aimons nous entouraient, la réception était à la hauteur de nos espérances, nous qui avions passé plusieurs semaines à tout préparer dans les moindres détails, afin de commencer nos premiers pas d’époux avec une lettre majuscule. Ce jour-là, nous nous préparions à fonder notre foyer chrétien, à avoir des enfants et de les élever dans la simplicité, dans l’amour, à tout leur donner. Un beau projet. D’ailleurs, dans la bénédiction de la cérémonie, le prêtre répétait les paroles consacrées comme pour tous les couples qui convolent « qu’ils voient leurs enfants et leurs petits-enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération ». 2 semaines plus tard, nous apprenions avec joie que nous attendions un bébé. 2 mois plus tard, j’étais à l’hôpital pour évacuer ce qu’il restait de la grossesse qui s’était arrêtée à 9 semaines d’aménorrhée. De toutes, cette première expérience avec les fausses-couches a été la plus difficile à vivre. On tombe de haut, parce que rien ne laissait présager une telle issue. On ne sait pas si on vit un accident de parcours comme « une femme sur 4 » comme les médecins nous le répètent pour nous rassurer et justifier qu’on ne commence à soigner qu’à partir de 3 fausses-couches, ou si on a réellement un problème. Une petite voix passait dans ma tête « et si… on ne pouvait jamais avoir d’enfant… ».
Alors on fait tout pour retenter. A la fois parce que le désir d’être parent s’est décuplé, et aussi pour savoir. Savoir si c’est plus que « la faute à pas de chance ». Deuxième grossesse. Deuxième Fausse-couche a 10 semaines d’aménorrhée. Cette fois-ci, j’évacue à la maison, COVID oblige, avec des comprimés. J’ai de la chance, je n’ai pas vraiment eu mal, d’autres parlent de saignements horribles et de douleurs insupportables. Et c’est à nouveau seuls, face à nos échecs et nos doutes que nous essayons de cicatriser.
Après le confinement, nous avons rendez-vous à l’hôpital, pour faire un bilan fausses-couches. En arrivant, j’annonce au docteur que j’en ai eu une troisième. Précoce. Très précoce. On l’appelle biochimique. Quelques jours de retard de règles, assez pour avoir des symptômes, pour avoir un test positif, et puis des saignements qui ne laissent pas de doute. Le jour de mon anniversaire en plus, joli cadeau. Mais bon, c’est la vie.
Mes résultats d’analyses sont bons. Pas de problèmes de caryotypes, les recherches habituelles ne donnent rien de particulier. Ah, si ! Je suis mutée à l’état hétérozygote pour le gêne MTHFR, comme une grande partie de la population. Cela signifie que que je métabolise mal l’acide folique sous sa forme primaire. Nous laissons cela de côté pour le moment, le docteur ne pense pas que ce soit significatif. Soit.
L’été passe, et nous décidons d’attendre pour retenter. Attendre de s’en remettre, attendre d’avoir plus de résultats, et de voir d’autres spécialistes. Et là… c’est la valse des médecins. Déjà, j’en cherche un qui ne fasse pas une crise d’épilepsie quand je lui dit que j’ai une phénylcétonurie. « Une quoi ? » Même avec un courrier du spécialiste expliquant l’absence de lien avec les fausses couches, j’ai l’impression qu’on patauge. D’ailleurs, ce problème évince totalement mon époux des recherches. Ca ne pouvait venir que de moi, avec un tel patrimoine, n’est-ce pas ?
J’ai de la chance à nouveau, je ne crois pas que culpabilise. En revanche, plus j’avance, plus je me sens vulnérable. Comme si ne pas avoir d’enfant avait dépecé ma féminité, ma vocation de mère. Mon estime personnelle n’a jamais été bonne, mais depuis ces évènements, c’est pire que tout. Je me sens en désaccord avec mon corps. Comme s’il m’avait désavouée. Je me sens malade alors que je ne vais pas si mal. Il y a forcément un problème, non ? Et le coup de poignard quand mes amies mariées la même année que moi annoncent leur grossesse, accouchent à une date où, moi aussi, j’aurais dû avoir mon bébé dans les bras… je ne suis pas jalouse, je suis sincèrement heureuse pour elles. Je suis juste triste, parce que je reste en arrière. Brisée dans mon instinct maternel, dans mon estime de moi, et affligée de ne pouvoir vivre ce bonheur tant souhaité avec mon époux. Cela me renvoie à la situation que nous subissons. Je souffre aussi de le voir souffrir, impuissant. Car lui aussi vit la situation, je ne peux voir cela qu’à la lueur de mes émotions. J’ai de la chance : nous sommes forts, nous nous battons ensemble. Je pense à mes pauvres sœurs d’infortunes qui en plus affrontent l’abandon de l’être aimé dans l’épreuve. Je pense aussi à ces hommes, qui ne savent pas exprimer leur détresse, qui ne vivent pas dans leur corps cette épreuve et qui pourtant doivent avoir la même détresse psychologique que nous les femmes.
Décembre 2020, pour Noël je reçois une nouvelle fausse-couche. Biochimique encore. Mon corps a l’air de reconnaître les embryons et de les dégager avec rapidité et efficacité. Le contre coup est difficile. Février 2021, Mars 2021, deux fausses couches biochimiques viennent clore la valse de ces sordides aventures.
Je rencontre un grand docteur spécialisé en PMA. Un "vieux de la vielle" comme on dit. Il me parle de syndrome des ovaires poly kystiques (SOPK) de résistance à l’insuline, de perdre du poids même si je ne suis pas obèse, de me mettre au sport. Je m’exécute. Avec une énergie et une détermination que je ne connaissais pas. Et ça m’aide à restaurer un tout petit peu d’estime de moi. Au moins, j’agis. Il s’intéresse (miracle !) à mon mari. Jusque là, il ne pouvait que me soutenir dans les multiples examens désagréables que j’avais eu à passer. Il lui fait passer un spermogramme et tout le panel des recherches de cette nature. On a bien galéré, d’ailleurs, à trouver un laboratoire qui respecte nos valeurs chrétiennes sur le prélèvement de l’échantillon, mais on a fini par trouver. Ce n’était pas une expérience agréable. Au moins, on sait que tout est normal de ce côté-ci. Le docteur PMA m’envoie chez une consoeur, endocrinologue spécialisée fertilité. Elle fait passer la recherche du gêne MTHFR à mon mari, et moi je fais un test de résistance à l’insuline. Bilan : Mon mari est Homozygote, c’est-à-dire possède la mutation à un degré sévère. Cela, conjugué à ma mutation moins importante, et à un début de résistance à l’insuline, ne peut pas aider une grossesse à démarrer et à aboutir. Nous devons dès lors prendre de la vitamine B12 (acide folique) sous la forme dégradée, dite Tétrafolique. Cette substance ne se trouve que dans les compléments alimentaires pharmaceutiques très couteux et non remboursés. Mon mari doit prendre trois comprimés de Gynefam Supra grossesse (oui, même si c'est un homme, et cela nous permet de nous taquiner mutuellement), 33 euros par mois. Moi, je dois prendre du gynositol, 20 euros par mois. Et évidemment, rien de tout cela n’est remboursé par la CPAM. En plus du coût des spécialistes, des surcoûts d’honoraires, des transports, des hospitalisation, nous sommes essorés financièrement.
A cause de mes fausses-couches répétées, j’ai perdu plusieurs fois un travail. La stabilité financière n’est pas au rendez-vous. C’est le petit « plus » de la situation. La cerise sur le gâteau.
A ce jour, j’attends un rendez-vous pour une recherche immunologique poussée à l’hôpital Saint Antoine, dans le service du professeur Mekinian où nous sommes adressés par la super endocrinologue qui estime que mon « pédigrée » indique sans doute une réaction immunitaire dans l’utérus. Dernier espoir… probablement à nos frais."
Marie
MERCI MARIE POUR VOTRE PARTAGE
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